Hommage à Monique Pick

12 mai 2025 Par Nicole Vilmer , Alain Kerdraon, Claude Mercier, Ludwig Klein. Hommage à Monique Pick

C’est avec beaucoup d’émotion que nous vous transmettons la triste nouvelle de la disparition de Monique Pick dans la nuit du 2 au 3 Mai 2025 à l’âge de 91 ans.

Après des études à l’Ecole de Physique et Chimie dont elle est sortie en 1956, Monique Pick est arrivée dans l’équipe de Jean-Louis Steinberg à l’Observatoire de Meudon pour intégrer le groupe qui développait les observations radio solaires à Nançay. Son travail de thèse mené sous la direction de Jean-Louis Steinberg portait sur l’étude des émissions radio solaires de type IV et leur relation avec d’autres phénomènes solaires et géophysiques. Ces émissions de type IV sont associées à des nuages magnétisés (éjections coronales de masse) se propageant à grande vitesse entre le Soleil et la Terre et pouvant être associés à des particules énergétiques d’origine solaire et à des orages géomagnétiques. Le résultat clef de sa thèse concerne le lien entre émissions radio de type IV et la présence de particules haute énergie dans l’espace. Cette recherche a conduit Monique Pick à développer des études « multi-messagers » en utilisant dès la fin des années 1950 les diagnostics de particules énergétiques obtenus à partir d’instruments au sol (détection de protons énergétiques par les moniteurs à neutrons et par les observations d’absorptions ionosphériques polaires) puis dans les années 1960 les premières données satellitaires de protons énergétiques. C’est également à cette époque qu’elle a obtenu le résultat alors intrigant que les éruptions associées aux particules dans l’espace étaient principalement situées à l’ouest du méridien central du soleil – résultat qui se comprend aisément avec la théorie ultérieure de Parker du vent solaire.

C’est ainsi que dès le début de sa carrière, Monique Pick a développé des méthodes originales pour étudier le soleil et le milieu interplanétaire en combinant ses observations radioélectriques avec toutes les données disponibles : observations optiques et diagnostics de particules au sol, puis avec le développement du spatial, toutes sortes de données de mesures de particules et d’ondes du domaine radio kilométrique aux rayons gamma. Elle a été précurseur dans cette démarche qui est considérée maintenant comme la meilleure manière de progresser. Par ses travaux de thèse et ceux qui ont suivi, Monique Pick a également contribué au développement de la physique des relations soleil-terre qui a donné naissance des années plus tard à la météorologie de l’espace, discipline largement développée à l’heure actuelle.

Monique Pick dans les années 1970
Crédit : A. Kerdraon

A partir de 1971 après l’incendie d’un premier interféromètre radio solaire fonctionnant dans des longueurs d’ondes métriques, Monique Pick a mené pendant de nombreuses années la construction d’un nouveau radiohéliographe à 2 dimensions. Cet instrument construit en plusieurs étapes par un groupe de chercheurs et techniciens à Meudon et Nançay a été récemment rénové. Il reste le seul radiotélescope au monde dédié à l’imagerie de la couronne et de l’activité solaires en ondes radio décimétrique/métrique et est encore largement utilisé à l’heure actuelle en complément des sondes spatiales les plus récentes qui étudient le Soleil et le Milieu Interplanétaire (Solar Orbiter de l’ESA/NASA et Parker Solar Probe de la NASA).

Après un séjour à l’Université de Chicago en 1966, puis des rencontres avec des physiciens de l’Université du Minnesota qui développaient les premiers instruments X solaires, Monique Pick a très vite développé des collaborations avec la physique spatiale américaine, en particulier le Space Sciences Laboratory de l’Université de Berkeley, puis le Goddard Space Flight Center pour la mission Solar Maximum Mission lancée en 1980. A partir de ce moment le développement du Radiohéliographe de Nançay s’est poursuivi jusqu’à aujourd’hui en liaison avec les missions solaires et héliosphériques en complément des instruments X, de détection de particules et des coronographes (sonde ULYSSE de l’ESA/NASA en 1990 ; satellite SOHO de l’ESA/NASA en 1995, sondes STEREO de la NASA en 2006, sondes PARKER Solar Probe en 2018 et satellite Solar Orbiter de l’ESA/NASA en 2020). Les collaborations entre les instruments sol et les instruments spatiaux étaient en fait assez rares dans les années 1980 et Monique Pick a eu un rôle précurseur et moteur dans ce domaine qui est maintenant largement répandu dans l’astrophysique.

Après avoir dirigé le groupe du Radiohéliographe jusqu’en 1984, Monique Pick a ensuite pris la direction de la Station de Radioastronomie de Nançay où elle a exercé deux mandats de quatre ans et où son rôle a été moteur pour défendre en particulier la rénovation du grand radiotélescope de Nançay (projet FORT). Lors de ses mandats, Monique Pick a solidement implanté la station de Nançay dans la région Centre, avec son inscription dans un contrat plan état-région et a établi des liens solides avec l’université d’Orléans et le laboratoire LPC2E. Cette démarche volontariste a permis d’obtenir des recrutements et le financement des instruments, assurant ainsi la pérennité des programmes de recherche.

Après ce mandat de directrice de Nançay et quelques années comme Chargée de Mission Astronomie au Ministère de la Recherche, Monique Pick a retrouvé ses activités de chercheur en physique solaire et elle a continué à travailler avec passion en tant que chercheur émérite (son dernier article date de 2020) sur les émissions radio solaires, les particules énergétiques et les éjections coronales de masse associées. Elle a été l’élément moteur d’un site de visualisation et de mise en commun de données solaires dans les domaines radio sol et espace (communément appelé Radio Monitoring). Au début de son éméritat elle a également largement contribué aux premières études européennes en météorologie de l’espace.

Après avoir été en 1970 un des membres fondateurs du CESRA (Community of Solar Radio Astronomers), Monique Pick a contribué au développement de la Radioastronomie Solaire en Europe mais aussi ultérieurement en Inde et en Chine. Elle a ainsi aidé à la construction de plusieurs instruments et à la formation de plusieurs générations de radioastronomes.

Monique Pick à la cérémonie pour J. L. Steinberg (2016)
Crédit : S. Cnudde

Nous nous souviendrons de Monique comme d’une brillante chercheuse menant son travail de recherche avec passion, d’une femme dotée d’une énergie exceptionnelle, accueillante pour les nombreux chercheurs étrangers qui ont visité l’Observatoire, souvent préoccupée de la situation des jeunes chercheurs.